Till
Voilà un petit ours bien modeste, et pourtant son talent semble fort apprécié...
Je m'appelle Till. Comme Till l'espiègle. Mais je ne mesure
que 6 centimètres, et pour loger de l'espièglerie dans un
si petit ours, ce n'est pas évident.
J'aurais tendance à dire que je n'ai pas beaucoup de caractère.
Par manque de place, tout simplement.
A vrai dire, je me fais souvent plus petit encore que je ne suis déjà,
et dans une foule, ou même simplement au milieu d'un petit groupe,
je me fais vite oublier.
"Till ? Euh, je ne sais pas s'il est là, je ne l'ai pas vu."
dit-on en général à ceux qui me cherchent.
Mais à vrai dire, c'est bien rare que quelqu'un me cherche.
Solitaire et renfermé, je n'ai qu'une passion : j'écris.
Sur de tous petits carnets, des post-it oubliés, des bouts de
papier. Pour stylo, une mine cassée, que je cache précieusement
dans une boite d'allumettes.
Mes écrits ne sont pas des écrits qui restent ; Sans
que je sache pourquoi, ils disparaissent tous, où que je les laisse.
J'ai tenté de les mettre à l'abri, tout au moins les
petits bouts de papier car les carnets sont trop lourds. Mais pendant mon
sommeil, ils ont eux aussi disparu. Envolés, invisibles.
J'ai beau n'y attacher guère d'importance - après tout,
je n'écris que pour moi - j'ai voulu savoir ce qui leur arrivait.
Un soir, après une goutte de miel et une lampée de lait,
je me suis tapi dans un coin du bureau, tout là-haut, et j'ai laissé
bien en vue un carnet bien plus gros que moi.
Le sommeil cherchait à s'emparer de moi, pauvre petit ours sans
résistance, mais je luttais vaillement.
Difficile d'écarquiller mes yeux en perles de rocaille, et pourtant
la surprise le méritait bien.
Des pieds du bureau montait un rat, un bon gros rat bien gris. Pas
terrifiant mais pas l'air commode non plus.
Il se saisit du carnet dès qu'il posa les pattes sur le bureau
et s'empressa de repartir par le même chemin, dévalant les
gros pieds en bois sculpté.
J'avais beau mourrir de peur, je rassemblais tout mon courage et le suivis, glissant le long du pied sculpté, sentant chaque bosse et chaque creux entre mes coussinets.
"Boum !" j'atterris sur mon postérieur, mes pattes ayant lâché prise un peu trop tôt. Heureusement que je suis rembourré en mousse, et pas en micro-billes.
Le rat s'était éloigné du bureau, certes, mais
je le découvrais rapidement, assis sur ses pattes de derrière
arrêté.
A ma grande surprise, il ne mangeait pas le carnet, non : il le lisait !
Il parcourait lentement les pages, les tournait, et reprenait sa lecture,
attentif et assidu.
Ebahi, je retombai à nouveau sur mon postérieur, de surprise
cette fois-ci - "Boum !"
Le rat se retourna vivement et me regarda, semblant se demander quoi
faire. Devait-il fuir ? Allait-il me poursuivre, me manger ?
Aujourd'hui, j'ai beau être toujours aussi petit, j'ai une foi
nouvelle en moi :
Imaginez, un gros rat aux yeux éperdus d'admiration me demandant
à moi, petit ours au fade caractère, de lui dédicacer
mon texte !
J'envisage maintenant sérieusement le prix Gonc'Ours.
Texte, voix et illustrations : Laurence Veron
Enregistrement réalisé avec le logiciel libre Audacity
Gif animés exécutés grâce au logiciel libre The Gimp
Player : Dewplayer